Stranded under endless sky (que l’on pourrait traduire en français par quelque chose comme : « Être échoué sous un ciel infini ») pourrait bien être une carte postale que
Hammock s’enverrait à soi-même. Sur le disque, on peut lire en effet : « If only you could hear the sound of snow » (Hakuin Ekaku, maître zen du dix-huitième siècle). Or, le son de la neige, les membres de
Hammock, vivant et jouant leur musique dans le Tennessee, ont bien peu de chances de l’entendre. Il y aurait donc comme un appel, ressenti, d’une manière ou d’une autre, et transcrit dans la musique, et, peut-être plus encore qu’un message envoyé d’on ne sait où, un désir de cet ailleurs. « Waiting for the last train, out of here… », lit-on encore. Et, bien que le langage soit exclu de la musique elle-même, on imagine que ces phrases, ces deux citations, disent quelque chose de ce sur quoi porte la musique.
S’il est difficile de comparer un EP et un album, le format n’étant pas le même, il paraît tout aussi difficile d’échapper à ce constat que
Stranded under endless sky est plus réussi que
Kenotic. Le style du groupe n’a pas vraiment évolué, mais l’on y sent quelque chose de plus affirmatif, de plus franc, comme si le parti pris d’une musique reposant presque essentiellement sur l’ambiance s’était fait plus radical. Certes, tout en s’interdisant de fabriquer une opposition binaire du type : ambiance vs. rythme, on remarquera que le rythme est bien présent. Mais, il est cantonné à un seul morceau (
Birds flying in sequence) alors qu’il était omniprésent sur l’album. Les trois autres titres en sont dépourvus. Ce qui s’y joue, dès lors, c’est une musique ample, une fresque de paysages sonores (terme par lequel on traduirait peut-être les « soundscapes » chers aux anglophones). Une musique songeuse et légère qu’emportent des guitares qui sonnent comme si elles étaient simultanément ici et ailleurs. Emblématique de ce son caractéristique,
An empty field met clairement en évidence ces sonorités qui existent entre la présence et l’absence. D’autant que, accompagnées par un violoncelle qui évite tous les clichés auxquels on pourrait s’attendre, elles en viennent à former un tissu sonore entre drone et mélodie, une texture juste assez riche et diversifiée pour que l’on croie encore à la musique, mais suffisamment dépouillée pour être simplement (trans)portée par elle et non totalement absorbée.
Stranded under endless sky n’est qu’un EP, mais la dualité qu’il évoque et qu’il exprime en fait un moment à part, intense bien que toujours éthéré.
Chroniqué par
Jérôme Orsoni
le 27/07/2005