Oooooh baby
I feel right
The music sounds better with you
Love might
Bring us both together
I feel so good...
On ne pouvait décemment pas chroniquer ce long format d'
Alan Braxe sans convoquer ce souvenir. Vous y êtes ?
Stardust,
The Music Sounds Better With You, 1998.
Benjamin Diamond rencontre
Thomas Bangalter par l'intermédiaire de son ami d'internat
Alan Braxe, dont Thomas avait édité le morceau
Vertigo sur son label, Roulé. Ils se réunissent, ils improvisent ensemble. Le résultat buzze comme jamais dès les premières copies envoyées aux DJ, retourne Ibiza et tous les dancefloors européens, écoule plusieurs millions de copies.
Et puis ce fut tout, il s'agissait d'un one shot,
Stardust restera le groupe d'un tube, mais quel tube... Un sample de
Chaka Khan détourné dans une volupté de flanger, des renforts de cut-off caractéristiques qui étouffent le son pour mieux libérer ensuite son pouvoir extatique : une pure célébration en somme (de quoi parle Benjamin ? d'une fille, d'une drogue ?). Le morceau enveloppe le danseur, s'empare de ses sens pour l'absorber dans un continuum temporel qui ne devrait jamais s'arrêter. Modèle de dance music européenne autant que signe d'une époque,
Music sounds better with you exprime une émotion essentielle dans sa forme musicale la plus parfaite (aucun élément superflu, des répétitions à l'envi qui n'entament pas l'aura de la loop mais l'ancrent dans les neurones).
Phat & Small en retiendra l'impact commercial logique, mais ce pastiche (entre autres), formule vide, n'a d'intérêt qu'en ce qu'il rappelle et renforce la singularité même de l'original.
Mais parlons précisément d'
Alan Braxe puisque c'est son disque
The Uppercuts qui nous donne l'occasion de revenir sur l'anthem de
Stardust. A première vue, rien d'affolant, il ne propose pas ici la matrice du prochaine paradigme de la dance music. D'abord, les inédits sont peu nombreux et anecdotiques : en tout et pour tout, une intro longuette, un clin d'oeil avec applaudissements de stade pré-enregistrés (le "dream orchestra" vous salue), une variation midtempo autour de claviers supertrempés (
Penthouse Serenade), et un agréable essai rap tout en mélancolie (thug's love), qui rappelle la smurferie de
Cosmo Vitelli sur son
Video EP.
En revanche, les non-trainspotters apprécieront de retrouver ici quelques gâteries : ce
In love with you avec
Romuald, placé sur la compilation
Kitsuné Love, qui comme les
Nightvision et
Emotion des
Daft Punk (qu'il serait de toute façon impossible de ne pas évoquer ici) fait écho au
I'm not in love de
10 CC et insiste sur quelques secondes de substance purement romantique, sans doute mièvre, mais puisque que nous sommes humains avant tout, irrésistible. On est en plein dans un flirt impudique avec la nostalgie, qui fait aussi mouche sur
Palladium (probable hommage aux soirées du même nom), ou avec
Love lost et
Rubicon, calibrés pour être joués en K7 sur l'autoroute des vacances (et transformer cinq minutes votre vieille BX en Cadillac rose, et le paysage de la Losère en "Maïamaï" beach).
Mais
The Uppercuts est aussi et surtout l'occasion de retrouver les propres hits d'
Alan Braxe, familiers du dernier danseur de la plus improbable Macumba discothèque. Ainsi
Intro (parfois connu sous le nom de
Running) adapte astucieusement le
Crush on you de
The Jet dans des compressions lascives, le tout sur une basse de
Fred Falke (le principal "friend" du titre) qui a sa minute de gloire pendant le break et offre un appui solide le reste du temps. On retrouve également son remix pour le
At Night de
Shakedown, matériel club privilégié depuis sa sortie (
Kiki l'a transformé en
Atomic,
Kid Creme en a fait une version très efficace façon
La Mouche de
Cassius). En l'occurrence,
Braxe introduit montée imparable, synthé urgent et soupirs pour un effet on ne peut plus "bras en l'air".
On regrette alors que ne soient pas présentes ses récentes relectures pour
Benjamin Diamond ou
Röyksopp, qui auraient actualisé ce qui ressemble plutôt à une rétrospective en technicolor (la pochette ne ment pas à ce sujet). On a l’impression d’un témoignage de fin d'époque quand le
Vertigo ouvertement disco-funk filtré vient clore le disque, et nous rappeler que Crydamoure ne donne plus signe de vie et que Roulé semble dans une impasse (
Eric Prydz en profite pour voler l'idée du white label
Call on me par
Bangalter et
DJ Falcon sous le pseudo
Together). Est-ce que Vulture, le label d'Alan, saura poursuivre dans des succès populaires jouissifs sans tomber dans la répétition du
so cliché qui guette parfois ces
Uppercuts ?
En écoute sur
http://www.alanbraxeandfriends.com/.
Chroniqué par
Guillaume
le 16/07/2005