A l’écoute, on imagine la musique de
Lauter trempée du ciel de plomb des grandes plaines désertiques américaines qui ont vu grandir
Calexico. Pourtant, c’est dans l’Est de la France que
A walk will take my mind off things a vu le jour. Une réalité moins folk(lorique), mais aussi plus intéressante car inattendue.
Qui l’eût cru, à l’écoute de ce rock des grands espaces, où l’on perçoit des réminiscences de blues, de country –folk à la
16horsepower ( le magnifique
airplane, tout en langueur obsédante, comme si banjo, batterie et voix traînaient leur mélancolie sous un soleil infernal). La triade
A walk will take my mind off things / bewitched / brain dead semble même transporter le Mississipi à nos portes.
Cependant, on ne saurait réduire ce disque à ce mythe intemporel d’une musique américaine élevée en plein air, tant
Lauter ne se contente pas d’un seul horizon d’influence :
You don’t have to, broderie pop d’arpèges acoustiques en suspension sur un tapis de cymbales légères se durcit bientôt en un rock saccadé qui lorgnerait plutôt du côté de
Sonic Youth.
Le rock dépressionnaire de
Lauteur affectionne les zones de turbulences, se jouant des attentes pour mieux les rendre vaines : le mieux est encore de se laisser docilement transporter au gré de ces morceaux d’une grande richesse, où la mélancolie ne s’entretient pas inutilement, mais se laisse chahuter de secousses rock jamais téléphonées.
Lauter n’a pas le goût de la recette, et l’on découvre avec plaisir la variété d’un disque qui ne se dissimule pas derrière une fausse spontanéité. Les histoires sont tristes, les climats ombrageux, et pourtant,
A Walk will take my mind off things, loin de rebuter, captive : c’est ainsi le folk feutré et doux-amer de
They Give me the eye, ou
What is your quest?, snares et percussions en tonnerre lointain sur lesquelles perce un chant douloureux, désordre auquel succède l’accalmie d’un roulement de batterie tranquille qui a pour contrepoint la violence d’une invective ressassant sa rage contenue: « What is your quest, motherfucker ». A l’efficacité Post-punk de
Clear off succède par goût de la rupture le délicat
A Walk will take my mind off things, à l’instrumentation à peine marquée: touches de banjo, de xylophone, notes de tuba qui soulignent avec subtilité la mélancolie sans jamais l’alourdir.
The end of our story conclue superbement l’album : chaque disque qui s’achève est une histoire qui finit. Toujours est-il que pour nous, c’est plutôt une jolie histoire avec un groupe,
Lauter, et un label, Herzfeld, qui commence.
Chroniqué par
Imogen
le 23/06/2005