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World's End Girlfriend

: The Lie Lay Land



sortie : 2005
label : Noble
style : Post-rock / electronica

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Tracklist :
01/Phantasmagoria Moth Gate
02/We are the masacre
03/Satan Veldo Children
04/Garden in the Ceiling
05/The owl of windward
06/Scorpius Circus
07/Song cemetery
08/Give me shadow, put on my crown
09/Black Hole Bird
10/Unspoiled Monster


World's End Girlfriend ne se méfie pas du grandiose. The Lie Lay Land va encore plus loin que Farewell Kingdom dans l'invention d'une musique qui se place hors de ce monde afin de mieux inventer son propre univers, de toutes pièces : des instrumentations néoclassiques et post-rock, des résidus electronica, des dissonances jazz et atmosphériques (ces dernières dès Phantasmagoria) s'intègrent dans un même ensemble qui défie l'exclusivité des formes. Voilà des sons redevenus vierges de contexte, prêts à se rencontrer pour en créer un nouveau. On se remet alors à croire en la musique, comme on croit en une utopie, au gré d'ambiances de nulle part et de symphonies contemporaines inouïes. L'esthétique postmoderne aura rarement parue aussi tangible en sons que dans ce recours décomplexé à des sources musicales a priori hétérogènes, à l'expérimentation comme aux mélodies les plus universelles, et cela toujours au service d'émotions fortes. Tous nos repères d'auditeurs sont ici convoqués, pour voltiger aussitôt dans un formidable mouvement, spectaculaire, qui nous dépasse.

C'est le néoclassique apaisé, presque naïf, et en tout cas parfaitement enchanteur de We Are The Massacre qui sert de lien avec l'humanisme vibrant de l'album Farewell Kingdom. Des saturations électriques et lyriques finissent par l'embraser et sans le moindre accroc, ses cendres cèdent la place à Satan Veludo Children - premier morceau représentatif de l'incroyable richesse de The Lie Lay Land. Le tempo et l'orchestration similaires s'agrémentent bientôt de bribes de paroles qui stimulent l'imagination. Un climat de douce poésie se crée, mais le rythme se fait bientôt plus appuyé ; les violons s'élancent, se précipitent en apesanteur dans un mouvement ample et puissant, une déferlante post-rock. Soudain, cette échappée grandiloquente s'annule en plein accomplissement ! Sabotée, la voilà en rewind, puis en repeat, et on atterrit à peine sur un nouveau thème de ballade presque pop que la revoilà, plus puissante encore, accompagnée de cuivres puissants, et sa démesure s'appuie une rythmique électronique que n'aurait pas reniée Squarepusher… Quelques glitchs discrets la taquinent - et c'est une irruption métal qui l'interrompt cette fois, quelques secondes à peine, puisque les accords pop nous reviennent, avant que les violons ne réapparaissent, timides. Ils ont raison: des textures métalliques, violemment delayées, hurlantes, informes, les phagocytent sur l'instant et les recrachent dans un ensemble électrifié, dénaturé. La batterie breakée ne se contrôle plus, quand... Un quasi-silence, une respiration... Et revoilà l'envolée de mélancolie qui revient de plus belle, plus terrible encore ! Les mêmes cuivres se plaignent pendant que des violons les soulèvent en nuance, des textures electronica se brisent à l'arrière-plan, un dernier tambourinage et nous voilà sur la rive, exsangues. C'est comme si tous les éléments se liguaient et se déchaînaient pour laisser auditeur comme chroniqueur sans voix. On pourrait convoquer en clés d'explication Acid Mother Temple (et avec eux la compilation 90's japanese independant musics éditée par Sonore), Ground Zero, le metal le plus free, que ces libertés, ces infinies possibilités n'en paraîtraient pas moins fascinantes, d'autant plus qu'elles s'adressent à l'auditeur exposé à des flux contradictoires.

La suite immédiate passe par un peu plus de ludisme et de légèreté (des percussions élastiques qui rebondissent, quelques effets incongrus pour tempérer la valse des cordes, produisent une certaine distanciation sur Garden in the celling) mais après cela, l'album ne laissera plus de répit. Découvrir en profondeur le Lie Lay Land revient à dériver entre des notes graciles et des humeurs célestes mélangées (l'éthéré Owl of Windward), des rêveries d'une beauté trouble et évocatrice (Song cemetery, Give me shadow, put on my crow), et à suivre un travelling est-européen lancinant, pris dans l'oeil d'un cyclone imprévisible (des perturbations aussi formidables que celles de Satan Veludo Children habitent le vaste hymne narratif de Scorpius Circus, jusqu'à ce qu'il s'épanche dans un torrent irrépressible). C'est également assister à la fin du monde promise et crainte, qui advient par le renversant Black Hole Bird, et se passe de description. Dès lors, ne restera plus que son regret, dans une cérémonie funéraire et organique où les cuivres pleurent, débarrassés des tortures qui les agitaient sur l'ouverture noisy Phantasmagoria.

The Lie Lay Land est d'une matière complexe et paradoxale, atypique et universelle. Tantôt outrageusement proche, sensible ; tantôt à distance de par ses mythes et son caractère épique, et lorsqu'elle laisse transparaître ce laptop s'emparant d'une grande vague organique pour la détourner en codes, en des équations numériques aux formes fuyantes. Cette musique d'évènements, par ses mélodies incroyables d'expressivité et ses constructions déroutantes, époustouflantes, figure une apocalypse célébrée avec tragique, une méditation frénétique et hallucinée en haut du volcan.


Chroniqué par Guillaume
le 18/06/2005

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