A ma gauche : les
X-Ecutioners, grand crew de turntablists formé par
Roc Raida,
Rob Swift et
Total Eclipse (
Mista Sinista n'est plus de la partie depuis quelques années). A ma droite :
Mike "General" Patton, polyinstrumentiste et chanteur métal, ex-
Faith No More et modèle d'excentricité avec les disques de
Fantômas et
Mr Bungle. Les deux camps sont à bloc. Avec la domination en vue et des tricks pas permis en réserve, le battle peut commencer.
Si les DJ's commencent par déballer dialogues de kung-fu et phases attendues (
Mobb Deep en intro, gros riffs orchestraux),
Patton attaque avec des refrains provocateurs, d'une évidence presque FM : "Get up punk, show what you can !" (
¡Get Up, Punk!). Sa présence se fait sentir sur le plan du sound-design, froid et... métallique, qui mine le terrain de ses adversaires funksters (
Roc Raida: Riot Control Agent). A leurs sabotages à coups de scratchs & cuts background, riposte l'ironie d'ambiances bossa et exotica (
PGNDLM), quand ce n'est pas carrément le western qui est convoqué, avant de dévier en harangue martiale et virile (
Duelling Banjo Marching Drill).
En fait, c'est dans ces bousculades de choeurs dramatiques (
Battle Hymn of the Technics Republic) vers un cartoon-bruitisme qui disparaît aussi vite qu'il était arrivé, qu'on reconnaît la pathologie commune des forces en présence : l'esthétique jingle (
¡Fire in the Hole!), faite d'éclectisme et d'iconoclasme, jubilatoire car irrespectueuse. Dans son ping-pong au ludisme primitif et salvateur, quoique moins violent qu'espéré, ce wargame se rapproche plus d'un kill'em all foncièrement arcade que d'un RPG machiavélique.
Et c'est très bien comme cela, puisque passé une excentricité à la
John Zorn (
Surprise Swing Insurgency), on trouve pas mal de passages simplement funs, actualisant la bonne vieille fusion rap-rock (remember
Run DMC vs Aerosmith ?) dans une production assez particulière pour éviter le groove bouffi. De la même façon, un équilibre se crée dans cette hybridité entre entertainment (ces irruptions rock foutrement familières et fédératrices) et expérimentation-dérision (tout ce qu'il y a entre, c'est à dire beaucoup de samples décalés, dans un mix de dératé).
Pour autant,
Join Special Operations Task Force témoigne d'une certaine ambiguité, parce qu'en contrepoint de ces fuites surprenantes, il faut admettre que ces guerriers ne se privent pas d'agiter quelques poncifs, qu'il s'agisse de dialogues de films de
Jackie Chan, d'une cavalerie fanfaronne, ou de ce "this is a journey into sound" archigrillé depuis
Coldcut (et absolue anomalie puisqu'il est utilisé à la dernière piste, le font-il exprès ?),
Mais :
a) c'est mauvais genre, comme on aime
b) c'est presque systématiquement tempéré par trente secondes de percus complètement incongrues
c) cette densité fait encore plaisir à la vingtième écoute, et c'est tout ce qu'on réclame.
Eminemment actuel dans sa manière d'accumuler les références jusqu'à dépasser les idées de pastiche et de parodie (à la
Tarantino) dans le cadre fondamental d'un pur divertissement, ce side project est surtout d'une efficacité presque régressive, qui laisse une terre brûlée et des tympans échaudés. Double-KO.
Chroniqué par
Guillaume
le 22/05/2005