Depuis la sortie de
The Way Ahead (1969) - son second album en tant que leader -, le trompettiste
Jacques Coursil s’était retiré. Non pas du monde, mais de la musique que l’on enregistre, et à qui il préféra l’enseignement de la linguistique. Puisque 35 ans d’absence n’ont pas réussi à effacer l’empreinte d’un free jazzman cérébral et imposant, la raison du retour de
Jacques Coursil est à chercher ailleurs.
Ailleurs, et autrement. Il semblerait que le temps nécessaire à la reprise du souffle aura permis l’apaisement de celui qui s’est livré tout entier à une longue réflexion. Libéré des ambitions de musicien iconoclaste pour les avoir menées à bien,
Coursil signe aujourd’hui
Minimal Brass, tout à la fois enregistrement solo que la méthode du re-recording dote de tentacules, et faire-part de renaissance produit par
John Zorn.
Sous le signe du cercle et des cycles, la trompette, multipliée jusqu’à douze fois, répète des harmoniques, enjoint les timbres à l’interférence, ou explore la palette de son grain sur un développement sériel institué musique des origines (
First Fanfare). Elaboration de strates sonores, dans lesquelles
Coursil enfouit un Sketch of Spain réinventé par
John Adams, et qu’il aimerait bien voir fossiliser.
Faisant écho à des bribes de musique contrapunctique disséminées avant et après elle,
Second Fanfare suspend quelques notes sur des schémas mélodiques joués à l’unisson. Alors, le trompettiste invente une soul contemplative, donne son point de vue impressionniste sur le déroulement des choses. Quelques dissonances finales livrent de nouvelles intentions.
Celles de
Last Fanfare, en définitive, qui se refusent à faire taire la tension sous-jacente. Tirant bénéfice de la technique de la respiration circulaire, le musicien décide de mises en abîme pastel, et accueille les échappées mélodiques de solos optimistes sur des bourdonnements linéaires et délicats. Soit, pour
Jacques Coursil, un retour des limbes étrange mais réussi : le mystère des vapeurs investissant le domaine musical, l’investissement des cycles pour toute incarnation.
Chroniqué par
Grisli
le 17/05/2005