Un hommage, sur deux soirs de concert, rendu par
Anthony Braxton à
Charlie Parker. Zurich, puis Cologne, accueillent en 1993 la révélation : celle de l’existence d’une parenté véritable entre les deux saxophonistes. Nouvel avènement de
Parker ; mais inédit, celui-ci.
C’est qu’
Anthony Braxton refuse évidemment l’interprétation policée de thèmes rangés. Investissant le répertoire choisi de manière ludique, libre, et parfois expérimentale, il peut aussi compter sur le soutien de musiciens en constant décalage, tels que le pianiste
Misha Mengelberg, ou le trompettiste
Paul Smoker.
A Zurich, un rythme illuminé d’
Han Bennink lance un be-bop persuasif, qui fait la découverte de l’égarement possible des saxophones (
Dewey Square).
An Oscar For Treadwell, bop gouailleur et au charme ravissant, établit des contrastes avec
Hot House, sur lequel
Braxton et
Smoker rivalisent d’envolées irrésolues.
A Cologne, on déploie des phrases joyeuses (
Bebop) ; on relit, décomplexés, des standards faits fantaisies par un piano tentaculaire (
Bongo Bop) ; on accepte, enfin, l’évocation de classiques par des modernes : le sage
Passport, tout juste bousculé par les dissonances adroites de
Mengelberg, ou l’impeccable
Koko, portée par la contrebasse d’un
Joe Fonda surpuissant.
A Zurich et à Cologne, on s’empare de
Klactoveesedstene, pandémonium superbe tirant profits des flottements, et changeant selon la virulence des fuites choisies ; on investit
A night In Tunisia, défiant la justesse des timbres sur des parties mélodiques en déroute, débordements contrôlés d’inspirations délicates.
Fleuri d’impacts charmants, le répertoire de
Parker. Décidant des moments d’intrusion irrévérencieuse comme des processions ordonnées nécessaires à l’entretien du culte,
Anthony Braxton fait bien plus que dépoussiérer des standards, et nous convainc, une fois encore, du raffinement de sa clairvoyance.
Chroniqué par
Grisli
le 11/05/2005