Différentes, et pourtant si proches, les sphères musicales que sont le free jazz et la musique improvisée européenne. S’il leur arrive parfois de se croiser, deux mondes confrontent alors leurs points de vue, et donnent ensemble des couleurs changeantes à l’improvisation. L’année dernière encore, au Festival Freedom Of The City de Londres, où le guitariste
Roger Smith, figure du
Spontaneous Music Ensemble, rencontrait le batteur sud-africain
Louis Moholo-Moholo.
Dès le départ, la rencontre mène au foisonnement d’idées fraîches. Motivé par les attaques abruptes de
Moholo,
Smith cisaille ses suites d’arpèges à grands coups d’accords compulsifs. Assaillies, toujours à propos, les cordes accueillent aussi bien les délires percussifs du batteur que l’inspiration d’une ritournelle répétitive, bientôt transformée en invocation rituelle par l’imposant effet de grosse caisse (
The Butterfly And the Bee).
L’expérience de
Moholo l’a depuis longtemps convaincu : accompagner subtilement le déroulement de schémas instantanés, ou emmener à lui seul le morceau tout entier, quelle différence ? Ici (
Enclosed Sun), le second plan n’empêche pas les trouvailles. Là (
Events That Rhyme), la joie est tout autre, issue d’une liberté d’expression dense et chaotique.
Souvent tirées à l’emporte-pièce, les cordes de guitare frisent, dessinent des glissandi, ou étouffent sous les coups. Leurs propositions sont rêches, certes, mais rien ne les empêche de servir un ostinato aussi studieux que de plus anciens, auxquels ont fait allusion (
Webern in Africa). Les accès de mélodies se développent sur des rythmes hypnotiques, exclusifs, et décidés à toujours refuser l’installation des possibles bavardages (
Letters To Insects).
Ailleurs, on fait tourner une poupée musicale, tout à la fois clin d’œil ironique à l’interprétation des thèmes, et moyen lénifiant d’ôter un peu de sérieux au discours (
Involuntary Sculpture). Sagace, celui-ci aura tenu l’assemblée en haleine pendant plus d’une heure, et bousculé un peu la tiédeur d’un dimanche d’août à Londres.
Chroniqué par
Grisli
le 10/05/2005