Si vous vous intéressez un tant soi peu à la scène hip hop souterraine française, qui au delà des apparences est loin d’avoir rendu les armes, le nom de
Piloophaz ne doit pas vous être inconnu. Traînant ses guêtres dans le milieu depuis pas mal d’années, originaire de Saint Etienne, le rappeur affiche un CV déjà bien rempli, entre projets solos et participation active au feu collectif de
La Cinquième Colonne qui avait sortit en 2003 le rafraîchissant
Derrière Nos Feuilles Blanches. Troisième album solo,
Nature Morte affiche une texture sombre dès son premier rapport avec l’auditeur : visuel noir, arbres morts et pierres tombales.
Premier rapport qui se confirme dès la troisième piste de ce disque dense et homogène, ou l’on à l’impression de débarquer en plein cimetière et d’interrompre une vilaine messe noire bien flippée de la caboche. La tonalité de l’album est en effet lugubre, et, loin de le desservir, le parti pris d’emprunter quelques codes un peu gores impose d’emblée une ambiance lourde et angoissante. On va donc éviter de causer de remuage de cul ou de dancefloor, vu qu’ici il est plus question de boucles un peu crades, et de samples en veux tu en voilà.
Le sampling, d’ailleurs, est un outil massif et revendiqué de
Piloophaz qui multiplie références et clins d’œil à la pelle, et si l’exercice peut paraître parfois facile, il est ici complètement assumé et contribue grandement à l’ambiance générale de l’album. En fait, le disque est une très bonne surprise de bout en bout, le flow nerveux et sec du mc colle parfaitement aux tons abordés, et les lyrics ne font pas dans la dentelle. Paranoïa, isolement, maladie, nostalgie, on ne se marre pas beaucoup mais l’ensemble est vraiment bien écrit et vaut le coup qu’on s’arrête à décortiquer les textes. On citera en vrac quelques vrais temps forts du disque,
Le Faucheur et son ambiance étouffante,
Le Jour Se Lève qui s’attaque à un sujet peu commun et délicat, mais à la retenue touchante, un
Deadly Punk revanchard ou encore le très réussi
Ethiliquement Incorrect, bref pas grand-chose à jeter, un titre planqué en fin de tracklisting se permet carrément d’envoyer un gros métal limite grindcore, qui risque de faire grincer les dents de pas mal de gens…
Piloophaz nous livre un album intéressant et construit, parfaitement cohérent dans son atmosphère, assez classique dans sa construction mais pourvu de vraies idées. Une petite production sincère, rageuse, qui prouve tout le bien qu’on pensait de l’underground stéphanois. A tout ceux qui pensent qu’il n’y a plus rien à écouter en hip hop français, cet album est là pour rappeler que dans l’ombre, certains veillent encore…
Chroniqué par
WakMc
le 20/03/2005