Se frotter à différents styles importe peu lorsqu’un groupe a autre chose en tête que d’en servir un seul. Certains même, comme
Sinistri, tiennent éperdument à n’en préférer aucun, avouant que leur quête est ailleurs, qui est celle de suivre le cours d’une musique non-métrique.
S’il n’est pas le premier à défendre ce genre d’intention, le trio italien y insuffle une radicalité inédite, quitte à se répéter un peu en refusant tout autre point de vue sur la question que celui qui interdit la synchronisation des musiciens. Les rythmes aléatoires de Roberto Bertacchini oscillent ainsi sans tenir compte des impulsions du guitariste Manuele Giannini, le plus souvent hargneuses (
Bluesplex Pt1,
NY Vamp), parfois caressantes (
Cold Fried Tk4).
Car les improvisations de
Sinistri ne sont pas toutes nerveuses. On choisit, de temps à autre, de faire d’une mise en place un développement musical subtil (
Deep squeak,
Holes In Between), pendant lequel on accepte de rechercher plutôt que de ressentir. Alors naissent des tentatives sonores qu’emporte Alessandro Bocci, troisième larron, concepteur d’électronique intuitif.
Elaborant des nappes de basse à peine perceptibles (
Ampstone,
NY Vamp), chevauchant les cymbales pour mieux rêver d’ultrasons (
Cold Fried Tk4), ou levant le voile sur des stigmates dessinées par quelle rugueuse extase (
Holes in Between), le soutien électronique est là, qui divertit autant qu’il enrichit les efforts collectifs.
Ceux d’
Ampstone, par exemple, sur lequel Manuele Giannini chuchote des mots choisis, et multiplie encore les essais stylistiques. Seule à avoir réussi à imposer une cadence à
Free Pulse, la voix empêche
Sinistri d’échapper à tous les codes. Mais le trio en profite, qui fait de ce rappel aux bonnes mœurs le détail falsificateur d’un patchwork flamboyant, à l’iconoclastie tirant sa verve d’intentions rock, d’électronique bruitiste, et de jazz percussif.
Chroniqué par
Grisli
le 15/03/2005