Animateur historique du free jazz,
Burton Greene a su éviter l’impasse de l’acharnement ou de la simple redite en s’intéressant, dans les années 1970, autant à l’œuvre de
Bartok qu’à la musique médiévale. Répétant à l’envi que, pour lui, "jouer libre signifie pouvoir, aussi, jouer Mozart", le pianiste a sans doute trouvé la recette pour exister encore et compter toujours : mêler ses acquis classiques à l’improvisation la plus inspirée.
Aujourd’hui,
Live at Grasland nous donne la preuve de cette manière de faire. Evoquant les grands noms de pianistes contemporains (
John Cage sur
Calistrophy,
James Tenney sur
In the footsteps of the Bratslav ou encore
Morton Feldman sur
Florida Summer Odyssey),
Burton Greene n’en oublie pas pour autant ses premières amours que sont les improvisations tourmentées (
Sylosophy (digitalville)) et les compositions torturées (
12,733 Shopping Malls).
Venant apaiser une autre obsession du compositeur - celle qu’il voue aux mélodies doucereuses, voire enrobées,
South Florida Odyssey Suite débute par l’interprétation gracile d’un thème qu’aurait pu signer
Gershwin, rapidement contrecarré par une divagation musicale frénétique et possédée. Le tout étant de faire accepter à l’auditeur aussi bien la complainte désabusée du pianiste de bar (
A Cozy Veggy Soup) que les errements majestueux du créateur angoissé (
Gnat Dance).
Et
Burton Greene y arrive, sereinement. Ayant compris depuis longtemps qu’on ne gagne rien à distinguer l’érudit du sauvage, il convainc à nouveau aujourd’hui. L’érudit a approfondi ses connaissances ; le sauvage a encore gagné en troubles ;
Burton Greene laisse faire, et en profite.
Chroniqué par
Grisli
le 25/01/2005