Les disques que j’aime finissent par occuper une place dans ma vie. Cette place largement fantasmée que je leur assigne fait entendre la musique bien après qu’elle s’est tue.
Le disque de
Fago.Sepia fait partie de ceux-là. Chacune de ses mélodies, chacune de ses ruptures, chacun de ses crescendos, continuent d’agir longtemps après qu’ils ont cessé de résonner, se faisant ainsi entendre autrement que musicalement.
Les deux guitares, la basse et la batterie se croisent sans cesse — jouent comme à l’unisson — se séparent — s’interrompent — dérivent avec le silence vers une autre région — parfois plus éthérée — parfois plus grinçante — elles claquent — elles survolent ce qu’elles ont failli dévaster — passent du poids binaire du rock au mouvement enlevé et ternaire du jazz — les réunissent enfin.
Sans imiter,
Fago.Sepia partage avec
Do Make Say Think cette capacité à jouer avec le jazz sans jouer, à proprement parler, du jazz, c’est-à-dire : à l’utiliser à d’autres fins que lui-même. Ce faisant,
Fago.Sepia met ce qu’il peut avoir de désuet de nos jours (tel swing joué au charleston, tel son de guitare solo) au service d’une musique très souvent innovante.
Ainsi, en moins de 25 minutes,
Fago.Sepia donne forme à un style personnel où la puissance est maîtrisée et où la douceur ne cède rien à la mièvrerie.
Chroniqué par
Jérôme Orsoni
le 27/12/2004
