Au terme d’une décennie éminemment prolifique pour le hip hop indépendant, les disques atypiques et barrés ne cessent alors de se multiplier sous l’impulsion des
Mush,
Big Dada et autres
Anticon. Il existe cependant un collectif répondant au nom de Quannum Projects qui s’efforce de faire avancer le genre en continuant de piocher dans les classiques de la black music. Crate Diggers dans l’âme, ses principaux représentants se nomment
Dj Shadow,
Latyrx et surtout
Blackalicious, dont le premier album fit l’effet d’une tornade dans toute la Bay Area.
Il faut tout de même préciser que le groupe en question – composé du producteur
Chief Xcel et du MC
Gift of Gab - avait considérablement préparé le terrain avec quelques maxis de haute facture tels que
Melodica ou le tubesque
A to G. Mais rien ne laissait présager une telle réussite. Car, osons le dire d’entrée,
Nia est un disque quasi parfait, de par sa diversité et avant tout grâce à la complémentarité de ses deux protagonistes. Une affirmation qui s’impose d’entrée de jeu, avec le funk saccadé de
Do This My Way, sur lequel se posent
Gab et
Lyrics Born dans un registre semi-chanté, qui laisse rapidement sa place au clavier incisif de
Deception et surtout à l’incroyable exercice de style de
Gift of Gab sur le déjà connu
A to G, où chacun des sept couplets est construit avec des mots débutant par la même lettre de l’alphabet. Une claque.
A peine le temps de s’en remettre qu’apparaît comme par magie
Dj Shadow himself, amenant dans ses valises une production hypnotique à souhait, permettant à
Gab de dérouler une série de métaphores nocturnes du plus bel effet, avant de calmer le jeu sur la superbe boucle guitare-violon concoctée par
Chief Xcel sur
If I May. Une petite référence à
Outkast le temps d’un assez moyen
Smithzonian Institute Of Rhyme, et l’allure s’accélère avec les cuivres et le refrain sautillant de
Making Process, avant d’envoûter à jamais l’auditeur avec l’aérien
As The World Turns. Le message de clôture peut alors prendre toute sa signification : «The sandman's on your shoulder whispering in your ear he told you, let all your problems go tonight, I'm rapping hear my song, a day of work completed, a night of rest is needed».
Un sommeil qui s’annonce tout aussi enchanteur que réparateur, en raison de la quiétude qui émane de ce premier album de
Blackalicious, également qualifiable de visionnaire, intemporel, ou encore contemplatif. Mais aucun de ces attributs ne saurait refléter la richesse de
Nia, classique parmi les classiques dont l’acquisition est, vous l'aurez compris, plus que recommandée.
Chroniqué par
David Lamon
le 26/07/2004