Quatre ans après l’acclamé
Stories from the City, Stories from the Sea (qui aura valu à Pj son premier disque d’or dans notre bel hexagone),
Pj Harvey nous revient avec cet album au titre énigmatique,
Uh Huh Her. On l’annonçait, la chanteuse le confirmait bien volontiers, son nouvel album serait plus brut, une forme de retour aux sources arides du premier album,
Dry. Effectivement, ce septième album, est, sinon un parfait retour aux débuts de sa carrière, du moins un net contrepied au précédent, bien (trop pour certains) fourni en arrangements. Cette fois-ci, Pj a conçu son bébé toute seule : les 14 titres de l’album ont été écrits, joués, enregistrés et produits par la jeune femme, ses fidèles compagnons de route n’étant crédités que pour le mixage et l’enregistrement (Head) , la batterie et percussions (Rob Ellis), ainsi que pour les backing vocals.
Le résultat est donc bien loin de la luxuriance de Stories. Les morceaux sont dépouillés, le son brut, taillé dans un blues qui doit sans doute plus à la campagne pluvieuse du Dorset qu’à l’amérique. Du blues donc, pour les bleus à l’âme que chante l’anglaise, à travers une écriture plus simple et directe, autobiographique pour une part certes, mais dans laquelle chaque être à un moment de sa vie peut se retrouver. Ainsi, Pj met une nouvelle fois en musique ce qui nous parle à tous, l’amour, malheureux comme toujours (on ne se refait pas), et ses corollaires : la jalousie, la tristesse… avec douceur, apaisement même, mais aussi avec rage, comme sur les morceaux les plus rock de l’album (
Who the fuck? ,
The letter,
Cat on the wall), qui rappellent l’énergie sauvage des débuts .
L’album s'ouvre sur un lourd riff de guitare, vite rejoint par un kick de grosse caisse pesant, puis la voix de Pj s’élève, douce-amère, sur une chanson adressée à ce Mr Badmouth dont les lèvres ont goût de poison « Wash it out, wash it out, wash it out » exhorte –t-elle , une obsession de la purification par l’eau que l’on retrouve régulièrement dans ses morceaux.
Shame, le deuxième morceau, est tout simplement l’un des plus beaux que la jeune femme ait écrits. Une rythmique world enlevée, un chant sublime,
Shame bouleverse littéralement. Autre sommet de cet album,
The slow drug, accalmie qui tombe à point nommé après le remuant
The letter. Ce morceau, qui pare le minimalisme brut de l’album d’une jolie teinte "electronica", rappelle l’ambiance des plus beaux morceaux de
Is this desire?. Construit sur une boucle de cordes et un son de synthé, ce magnifique morceau porté par le chant feutré de Pj réussit avec peu de moyens à créer une atmosphère cotonneuse de petit matin vraiment captivante.
Evoquons également
You come through et son rythme de percu (xylophone) entêtant. Ce sont d’ailleurs les morceaux mêlant une instrumentation classique à des sonorités plus inhabituelles (rappelant ainsi l’esprit de
Is this desire? ) qui constituent les plus beaux moments de cet opus : en témoigne le sublime morceau qui clôt ce trop court album
The darker days of me and him… on ne pourrait rêver meilleure fin.
Alors certes, on pourra déplorer quelques petites faiblesses : le court instrumental
The end dédié à Vincent Gallo que l’on peut trouver un peu anecdotique, tout comme les 1min 13 de cris de mouettes plage 13 (on a déjà les merveilleux
Movietone pour les cuicui de mouettes anglaises!). Mais n’en déplaise à certains, qui croient que
Pj Harvey n’a plus rien à nous dire (les photos auto-portraits du livret aux airs de bilan de carrière en seraient la preuve),
Uh Huh Her nous montre encore une fois que la source est loin d’être tarie.
Chroniqué par
Imogen
le 16/06/2004