A côté de l’impression d’éclat brillant et de relief laissé par son ambitieux voire prétentieux prédécesseur,
10 000 Hz Legend , le nouvel album de
Air,
Talkie Walkie, paraît plutôt dépoli et douceâtre, mais cette impression ne demeure que le temps de prendre conscience que quelque chose a changé. Pas un revirement, mais une légère variation. La venue aux mannettes de Nigel Godrich, prestigieux et surtout talentueux producteur de groupes tels que
Radiohead,
The Divine Comedy ou encore
Orbital, n’y est sûrement pas pour rien.
Talkie Walkie se susurre au creux de l’oreille, s’écoute tranquillement. Retrouvées, l’évidence et l’indolence. L’expression "ambient pop" semble la plus adéquate pour qualifier la musique de Air depuis ses origines ; plus ambient que pop sur
Premiers symptômes,
Moon Safari et
The Virgin Suicides (il eut été étonnant qu’il en fût autrement pour une B.O.F.) ; plus pop qu’ambient, au grand damne de certains, sur
10 000 Hz Legend .
Talkie Walkie tient en équilibre entre ces deux tendances penchant tantôt vers l’une (le magnifique
Alone in Kyoto composé pour Sophia Copolla) tantôt vers l’autre (
Surfing on a Rocket).
Cherry Blossom Girl réalise au mieux cette synthèse. Des nappes atmosphériques de synthé, les arpèges de la guitare acoustique de Nicolas Godin et une flûte évanescente se mêlent à de tendres voix languissantes pour former un morceau d’une beauté lumineuse.
Même si les textes restent pour l’essentiel purement illustratifs, les voix, souvent vocodées, sont prégnantes. Nigel Godrich a convaincu le duo, notamment Jean-Benoît Dunckel, d’interpréter lui-même ses chansons. Aussi
Talkie Walkie est certainement le plus intimiste de ses albums, celui où il se découvre le plus. Mais le chant n’éclipse pas les subtiles instrumentations de l’album, concert downtempo de guitares acoustiques, de violons, de flûtes, de cuivres et de synthés aux sons tous plus travaillés par l'électronique les uns que les autres. Toute la force de cette musique est de soigneusement élaborer, de méticuleusement usiner le naturel ; aussi complexe et riche qu’il soit, un morceau de
Air s’impose d’abord par l'évidence de sa mélodie et de son harmonie.
Depuis
The Virgin Suicides, l’univers de
Air a gagné en épaisseur, en profondeur : la musique douce et paisible, presque melliflue, de
Premiers symptômes et de
Moon Safari a laissé place à une musique plus nuancée, chargée d’allégresse (
Alpha Beta Gaga) et de mélancolie (
Another Day,
Biological). Avec
Talkie Walkie, le plus international des duos français fait une nouvelle fois montre de tout son talent en composant une dizaine de morceaux satinés ne se laissant enfermer dans aucun genre, libres comme l’
Air.
Chroniqué par
dfghfgh
le 26/01/2004