Petit retour en arrière, nous sommes en 2001 et
Saul Williams sort enfin son album attendu depuis des mois par un nombre croissant d'auditeurs avertis. Le "buzz" encerclant l'artiste est alors à son paroxisme, l'album se doit d'être le classique maintes fois repoussé, c'est sûr, on devrait tenir entre nos mains une pièce maîtresse et inépuisable. Mais la vie n'est pas toujours aussi simple et
Amethhyst Rock Star n'est pas encore le chef d'oeuvre de
Saul Williams.
Voilà le pourquoi du comment. Première surprise, le LP est produit dans sa quasi-totalité par Rick Rubin, connu pour la charpente des premiers albums des
Beasties Boys et les derniers albums des
RHCP. Vous imaginez bien qu'on peut donc s'attendre au meilleur comme au pire en introduisant la galette dans la platine. Et ça commence plutôt bien ;
La La La convaint avec son violon sacrément entraînant et ses textes ego-trip drôlement conscients. Bien. Encore mieux même lorsque survient la fin enragée de
Penny for a Thought qui correspond superbement au flow lisse et rapide de notre cher Saul. Je suis content. Mais ma parole, ça ne s'arrête plus! Le rythme se pose, place au spoken word délicatement esquissé sur une prod joliment discrète où le poète Williams nous raconte une histoire de métamorphose figée en songe envoutant. Ca peut paraître pédant mais c'est vraiment agréable. Si, si. Mais ça se gâte... Revoilà le violon... je ne dirai rien de plus... Plage 5, de la guitare avec un Saul qui nous fait le coup de la fatalité humaine et réductrice du chagrin d'amour enchanteur de poésie musicale et de mélancolie grandiloquente. Catastrophique, le ton épistolaire du texte ne fait que bétonner le cliché de la démarche. La suite ne rassure pas plus que ça, le sample de
Rage Against the Machine sur
Om Nia American me décourage un peu plus, j'en ai presque les larmes aux yeux tant la déception me guette lorsqu'apparaît comme par magie
Coded Language, tuerie drum'n'bass enfantée par monsieur
Krust himself.
Rick Rubin la met en veilleuse, enfin. Et les qualités profondes de
Saul Williams commencent à apparaître de manière plus évidente. Le texte est tout simplement superbe, dénudé de refrain, rempli de références bienvenues, représentant un véritable hommage aux plus grands éveilleurs de conscience comme aux vestiges du passé. Une sorte de melting-pot culturel et politique, abstrait à souhait et poétiquement écorché au fer rouge avec des petites piques adressées directement aux défendeurs du conformisme, surtout dans les milieux envieux d'insufler des changements radicaux. Le hip-hop, entre autres, vous l'aurez deviné.
Je m'incline. Et suis forcé de reconnaître les nombreuses qualités du disque qui reste une belle démonstration de la verve de
Saul Williams, même s'il a tendance à en faire un peu trop par moments (
Untimely Meditations en devient cliché, une fois de plus). Donc l'album est bon, bien que quelque peu gâché par les prod pas toujours parfaites de Rick Rubin. Mais comment être à la hauteur du poète Saul ? Difficile à dire. Mais très plaisant à écouter. J'irais jusqu'à dire instructif. Recommandé, donc.
Chroniqué par
David Lamon
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