Annoncé comme un retour à l'originel pop/rock fanatique, éloigné de l'électronique hérétique,
Hail to the Thief est en fait un album protéiforme où résonnent les échos des oeuvres précédentes de
Radiohead. La période d'expérimentations électroniques du groupe d'Oxford n'est pas révolue. Terriblement efficace,
Backdrifts est le morceau qui aurait pu apparaître sur
Kid A ; les beats électro et la voix éthérée de Thom Yorke forment un alliage envoûtant. C'est avec le flux mécanique des basses subsoniques et le travail méticuleux des textures sonores de
The Gloaming que l'atmosphère étrange et inquiétante qui règne sur
Hail to the Thief atteint son paroxysme.
La simplicité et l'évidence mélodique de
Go to Sleep et
A Wolf at the Door montrent que l'inspiration de
The Bends ne s'est pas dissipée non plus. En effet, plus de place est faite aux guitares de Ed O'Brien et Jonny Greenwood dont les ondes cristallines nous font fondre de plaisir sur le tragique
Scatterbrain de même que les enchantantes harmonies vocales de Thom Yorke et Ed O'Brien du morceau
I Will.
L'essence de
Hail to the Thief est contenue dans le magnifique
There There. Ce morceau très dense est le point d'orgue de l'album. L'électronique ravageuse apparue au cours de la session
Kid A/
Amnesiac a muté pour fusionner avec le rock, plus pop, plus mélodieux de
Pablo Honey à
OK Computer. Une rythmique très élaborée, une mélodie imparable, une angoisse latente crescendo, des riffs de guitare fantastiques ; la musique de
Radiohead est à son apogée pour notre plus grand bonheur. Une nouvelle fois produit par Nigel Godrich, l'album regorge de détails sonores qui en font toute la perfection. Et la perfection n'est pas un détail !
L'écriture, quant à elle, est désespérée. Elle met en scène de façon très poétique un corps et un monde meurtri, écorché, symboles de l'individu et de la société. "I don’t know why I / Feel so tongue-tied / Don’t know why / I feel / So skinned alive" (
Myxomatosis). Thom Yorke n'est pas un petit chanteur replié sur lui-même ;
Radiohead a conscience de soi et de la société. Le ciel de
Hail to the Thief est sombre, tapissé d'un noir grondant ne laissant rien percevoir du soleil. Tourbillonnent le mensonge, la folie et la mort. "It's the devil's way now / There is no way out / You can scream and you can shout / It is too late now" (
2+2=5). Il est trop tard à présent. "Walk into the jaws of hell" (
Sit Down. Stand Up). Le ventre de la terre s'est déchiré en portes de l'enfer.
Chroniqué par
dfghfgh
le 28/06/2003