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Dossier

: L'Abécédaire des artistes oubliés



Plutôt qu'un bilan de fin d'année, fêtons celle qui arrive avec un abécédaire revenant sur de nombreux albums oubliés dans nos pages. Bonne écoute et surtout : bonne année !

The Apartments – apart (Australie, Talitres, extrait : Everything Is Given To Be Taken Away)

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Après les ressorties des excellents Drift (1993) et A Life Full of Farewells (1995), le label français Talitres poursuit son travail de réédition et remastérisation de la discographie précieuse de The Apartments en dépoussiérant cette année cet apart datant de 1997. Légèrement en deçà de ses deux illustres prédécesseurs, apart reste un album "à part" dans l'œuvre de Peter Milton Walsh, une œuvre tentant – parfois maladroitement – de s'accrocher aux tendances musicales de l'époque en s'aventurant dans de l'électronique cheesy voire de la drum n'bass (Cheerleader) et en privilégiant ainsi les ambiances nocturnes aux chansons. Injustement mésestimé, apart contient cependant de grandes compositions dont l'une des plus belles du groupe : Everything Is Given To Be Taken Away, ses teintes jazzy et son fabuleux ascenseur émotionnel oscillant entre tristesse infinie et joie retrouvée.

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Bruit Noir – IV / III (France, Ici, d'ailleurs, extrait : Le Visiteur)

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Nouvelle entité musicale de Pascal Bouaziz après la fin annoncée de son ancien groupe Mendelson (Le Dernier Album, 2021), Bruit Noir aime remuer la merde, quand il ne nous met pas tout simplement le nez dedans. Comme pour les deux premiers volets de cette trilogie, cette dernière partie crève l'abcès du politiquement correct ou de la bien-pensance tout confort et se plait à créer le malaise en noircissant le trait, dans les textes comme dans le son. Pour ce dernier, les apports de Jean-Michel Pires sont toujours d'une justesse percutante, hachurant les morceaux de ses dégénérescences electro-indus-proto-new-wave tout en leur donnant des directions diverses et variées. Se détache alors de cet amas parfois ingrat de nombreuses compositions marquantes piquant là où ça fait mal : Calme ta joie, Artistes, Communiste, Chanteur engagé, Deux enfants ou Le Visiteur.

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Cindy – Why Not Now ? (Etats-Unis, Tough Love, extrait : A Trumpet on the Hillside)

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Il y a quelque chose de doucement psychédélique dans la musique délicate de Cindy, quator californien mené par la chanteuse Karina Gill et auteur d'une pépite dream-pop fort attachante mais hélas passée sous nos radars cette année. Le charme opère pourtant dès les premières mesures de ce Why Not Now ? hors du temps et quasi velvetien, traînant une certaine mélancolie alanguie et réduisant chaque chanson à l'essentiel via un rendu lo-fi. "Less is more" comme on dit. On retrouve également Karina Gill et un autre membre de Cindy (Mike Ramos) dans un duo qui vaut le détour : Flowertown, projet de pop de chambre intimiste enregistré lui aussi avec les moyens du bord et possédant lui aussi un charme discret admirable.

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deathcrash – Less (Angleterre, Untitled (Recs), extrait : And Now I Am Lit)

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Découvert en première partie de Codeine lors de leur tournée récente, les anglais de deathcrash ont exécuté un set s'inscrivant dans une filiation évidente avec le trio culte de slowcore américain pour lequel il ouvrait. La différence étant bien sûr qu'un groupe comme Codeine – tout comme Slint au même moment, c'est-à-dire il y a plus de trente ans – ne savait pas ce qu'il était en train de créer au moment de le créer alors qu'un groupe tel que celui-ci le sait très bien. deathcrash perd ainsi en spontanéité ce qu'il gagne toutefois en maîtrise de ces influences parfaitement digérées (la lente progression du morceau d'ouverture est un must), issues de tout un pan du rock alternatif des années 90 allant du genre sus-cité au post-rock de Mogwai (And Now I Am Lit) en passant par une forme d'emocore musculeux.

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EXEK – The Map and the Territory (Australie, Foreign, extrait : The Lifeboats)

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S'il fallait définir la musique des australiens EXEK, on dirait qu'elle se situe à la croisée des genres dub, post-punk et krautrock. Un joli fourre-tout qui ne carresse pas dans le sens du poil et qui délivra déjà une poignée d'albums lo-fi grinçants et addictifs empruntant une route embrumée comme sur leur premier opus (Biased Advice, 2016) ou précédemment sur Advertise Here (2022) qui évoque à certains moments le Cleaners From Venus des débuts et étire les chansons souvent au-delà du raisonnable. Nouvelle émanation sous psychotropes, The Map and the Territory resserre les compositions d'EXEK à l'essentiel (rarement plus de 5 minutes) et invite l'auditeur à contempler une pop noyée dans un océan de reverbérations.

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Ben Frost & Francesco Fabris – Vakning (Australie, Room40, extrait : Vakning)

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À titre personnel, j'avais laissé Ben Frost avec The Centre Cannot Hold, œuvre de 2017 m'ayant à l'époque déçu (à retenter toutefois), mon album préféré de l'australien restant finalement son tout premier Steel Wound sorti il y a maintenant vingt ans. Le compositeur revient cette année avec un projet ambient collaboratif en duo avec Francesco Fabris, le fruit de cette rencontre donnant lieu à une longue pièce immersive toujours à la frontière du drone et du field recording. Rien de neuf sous le soleil de satan certes, mais lorsqu'à l'instar d'un Lawrence English ou d'un Rafael Anton Irisarri on a affaire à un sculpteur sonore de renom tel que Ben Frost, la musique devient un cinéma pour l'oreille. Surtout qu'avec Vakning, les deux artistes ont enregistré les sons puissants émis par des éruptions volcaniques et il faut avouer que l'expérience d'écoute au casque est plus que saisissante.

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goat – Joy in Fear (Japon, Nakid)

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goat est un quator japonais (à ne pas confondre avec le groupe de fusion suédois du même nom) spécialisé dans l'agencement de (poly)rythmes répétitifs confinant à une forme de transe percussive aux effets garantis. Leur précédent album sorti il y a huit ans s'intitulait d'ailleurs très justement Rythm & Sound, ce nouvel album a été façonné à l'identique et contient sept nouvelles compositions dantesques pouvant parfois rappeler le II de The Psychic Paramount dans une version moins "rock". Les sonorités générées par goat, parfois étouffées, sont en effet plus proches du jazz voire de la musique électronique type IDM que des explosions électriques attendues dans certains genres de musiques instrumentales. Les japonais misent ainsi sur la retenue et l'aspect cristallin (ces fameuses harmoniques de basse) de leurs pièces exécutées avec une technicité remarquable, cette dernière n'étant jamais démonstrative et toujours au service de l'hypnose souhaitée. Les morceaux de Joy In Fear étant indisponibles pour le moment, voici un extrait d'une de leur prestation scénique datant de 2015.

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Harat – Harat (France, Autoproduit, extrait : Utzi)

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L'un des secrets indie-rock les mieux gardés du Pays Basque s'appelle Harat, groupe ayant sorti cet excellent premier album autoproduit en 2022 mais n'utilisant pour l'instant aucun canal de diffusion pour faire connaître sa musique. Celle-ci aurait pourtant de quoi ravir les fans de post-hardcore ou de noisy rock (sa pochette cartonnée rudimentaire fait d'ailleurs inévitablement penser à l'At Action Park de Shellac). Harat ("là-bas" en basque) chante également dans son patois local, ce qui donne une singularité supplémentaire à ces neuf morceaux dont l'énergie mélodique quasi "fugazienne" et les structures alambiquées peuvent parfois rappeler le terrain de jeu des suisses de Ventura (Itzala). Un must-have punk à découvrir d'urgence.

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Italia 90 – Living Human Treasure (Angleterre, Brace Yourself, extrait : Leisure Activities)

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Pour un premier album, on dira qu'Italia 90 – ce qui sonne presque aussi bien que France 98 – débarque un peu après la bataille, celle de l'émergence de la scène revival post-punk qui sévit outre-manche depuis une bonne poignée d'années et à laquelle on rattachera volontiers ce quator londonien remonté à bloc. On pense en effet à l'écoute de ce bigarré Living Human Treasure aux groupes Fontaines DC, The Murder Capital, Shame ou encore les trublions assez perchés de black midi et de Squid (Golgotha). Ceux qui commencent à en souper du genre lui reprocheront certainement un manque de singularité flagrant mais on ne peut pas bouder son plaisir face à un tel enchaînement de torpilles tubesques. On attend alors la suite avec impatience et on en profite pour (re)découvrir leurs premiers EPs à l'efficacité diabolique.

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Jonquera – Primitive Sounds of Intermittence (France, Berceuse Héroïque, extrait : Champ de Cotons-tiges)

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Aurait-il choisi ce nom d'emprunt pour cette raison ? La Jonquera est une ville d'Espagne notamment connue pour abriter plusieurs maisons closes dont le fameux Club Paradise, principale attraction de la commune s'étendant sur 3000 m² répartis sur tois étages (!). Quoiqu'il en soit Jonquera est également le pseudonyme d'un certain Guillaume Lespinasse, compositeur français méconnu d'electronica qui développe ici des morceaux luxuriants, sensoriels pour ne pas dire "softcore", et plutôt exigeants. Dans son programme, Primitive Sounds Of Intermittence tenterait une relecture moderne des univers de Terry Riley et Jon Hassel et se voudrait une sorte d'habillage sonore aux films de Jacques Rivette. Beau programme donc.

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Kelela – Raven (Etats-Unis, Warp, extrait : On The Run)

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Le R&B est largement aux abonnés absents dans nos pages et nous en sommes sincèrement désolés car de belles œuvres comme ce nouvel album de Kelela traversent quelquefois l'actualité et mériteraient toute notre attention (Solange, FKA Twigs..). Hébergé sur l'excellent label Warp, le second album de cette chanteuse nu-soul américaine nous a principalement conquis pour son pouvoir d'attraction voire de fascination. Constitué de quinze chansons soigneusement arrangées, Raven ouvre un gouffre sonore parfois abyssal dans lequel l'auditeur se plaira à s'immerger pleinement. On reste clairement à mille lieues des productions du genre souvent calibrées pour les ondes radio. Plus encore, les morceaux se combinent si bien entre eux qu'ils forment ensemble une sorte d'œuvre totale stimulée par les belles vibrations vocales de cette talentueuse Kelela promise à un bel avenir.

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Locate S,1 – Wicked Jaw (Etats-Unis, Captured Tracks, extrait : You Were Right About One Thing)

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Beau coup de cœur que ce Wicked Jaw de Locate S,1 aka Christina Schneider, jeune américaine au songwriting folk pop subtil et ravissant qui devrait plaire aux amateurs de Cate Le Bon et de Weyes Blood. Je la découvre avec ce troisième album qui d'une part envoûte par ses tonalités retro légèrement seventies et ses humeurs happy-sad, et qui d'autre part impressionne pour sa faculté à déployer à chaque chanson un petit monde enchanteur grandissant et nous remplissant à chaque nouvelle écoute. Si Christina Schneider est l'autrice compositrice interprète principale de ce projet, cette dernière a su ici parfaitement s'entourer puisque sept autres musiciens sont crédités pour cet album mettant les petits plats dans les grands.

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Melenas – Ahora (Espagne, Mushroom Pillow, extrait : Promesas)

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Melenas est un quator nous venant d'Espagne et qui, à l'instar de l'excellent album Principia d'En Attendant Ana sorti chez nous cette année, compose une pop solaire délicieusement vintage, vaguement stereolabienne ou broadcastienne s'il valait trouver d'anciennes résonnances. Ahora met quant à lui en valeur les synthétiseurs et reste chanté dans la langue natale de ses quatre autrices, l'espagnol redonnant de la chaleur et des couleurs à une musique motorik originellement issue d'une certaine froideur allemande (le krautrock). Point d'austérité frigorifique chez Melenas ("crinières" en espagnol) qui sait illuminer le genre de son mélodisme estival et de son entrain salvateur : Ahora nous offre une collection de chansons parfaitement goupillées à écouter en boucle et on ne s'en lasse toujours pas.

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Tujiko Noriko – Crépuscule I & II (Japon, Editions Mego, extrait : Golden Dusk)

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Seul double album de cet abécédaire et non des moindres puisque c'est la géniale Tujiko Noriko qui nous l'offre sur un plateau doré. Crépuscule reconsidère notre définition de ce que peut être une "chanson" en l'amenant à des durées indéterminées dans une dilatation du temps parfois impressionnante. On pourrait d'ailleurs trouver des équivalents cinématographiques contemporain à ce qui s'apparente plus à une narration proche de l'abstraction, chez Bélà Tarr, Bi Gan, Apichatpong Weerasethakul ou leur fabuleuse synthèse sortie cette année : L'Arbre aux papillons d'or de Pham Thien An. Celle que l'on a parfois paresseusement comparé à Björk, notamment pour son esprit avant-gardiste conciliant pop et expérimentations conceptuelles, propose ici une plongée dans les profondeurs de ses compositions aux formes disparates et aux sonorités évanescentes, souvent au bord d'un infra-monde inconnu.

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OPAC – Songs for a Second Grace (France, Figures Libres, extrait : Those Processions)

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D'abord seul aux manettes d'OPAC sur l'album In Fragments (2020), le tourangeau Pierre-Alexis Cottereau a cette fois-ci gonflé son équipe pour transformer son projet folk solitaire en vrai groupe taillé pour la scène. Bien lui en a pris car cette nouvelle œuvre gagne en consistance et reste l'une des plus belles surprises de cette fin d'année. Songs for a Second Grace commence par convoquer Nick Drake (Reverence), spectre bienveillant planant sur tout le reste du disque et lui apportant à la fois douceur et volupté. Ce nouvel album est par ailleurs bien aidé par des arrangements aux petits oignons et guidé par la magnifique voix de Pierre-Alexis que l'on pourrait rapprocher de celle de Raoul Vignal, autre grand songwriter folk français cher à nos petits cœurs de folkeux.

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The Psychotic Monks – Pink Colour Surgery (France, Vicious Circle, extrait : Décors)

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Produit et enregistré par Daniel Fox du groupe irlandais Gilla Band avec qui The Psychotic Monks semble partager de nombreux atomes crochus, le nouvel album du quator francilien est une sacrée arme de déconstruction massive. Ça devait être ça de découvrir This Heat à la fin des années 70. Pink Colour Surgery réussi admirablement à retranscrire sur disque l'intensité de leur prestations scéniques (on peut dire qu'ils ont plié le game chez KEXP cette année, à revoir ici) et tente de synthétiser des dizaines d'heures de jams hypersoniques improvisées entre eux en une poignée de compositions viscérales, bruitistes, destructurées et transgressives rendant la no-wave sexy et la dance-music (post-)post-apocalyptique. Pink Colour Surgery est assurément l'un des meilleurs albums rock de 2023 tous pays confondus.

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QITSCH – no shame (Suisse, Order05, extrait : The Smile on your Lips)

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On ne sait pas grand chose sur le groupe QITSCH hormis le fait qu'il vient de la ville de Schaffhausen en Suisse et qu'il joue un punk teigneux et braillard fichtrement efficace. Entre ses nombreux uppercuts bien droits dans leurs bottes, no shame intercale à certains moments des morceaux noisy au groove ravageur (self love, the smile on your lips, the last time) apportant à l'album du relief et une profondeur baveuse qui sied parfaitement au genre. Pour le reste, no shame est un album tellurique et rutilant qui fonce dans le tas sans toutefois oublier de soigner les textures sonores de ses compositions flirtant parfois avec les murs de guitares électriques écrasantes du shoegaze. Avec Harat évoqué plus haut, QITSCH est l'autre pépite punk injustement méconnue de cet abécédaire.

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Jules Reidy – Trances (Australie, Shelter Press, extrait : I)

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Alors que son précédent album World in World (2022) s'aventurait dans les eaux troubles de la musique microtonale via les arpèges dissonants d'une guitare électrique en partie inspirée de celles de Roy Montgomery et Loren Connors, cette nouvelle œuvre de Julia Reidy sortie sous l'alias Jules Reidy semble évoluer dans un univers plus ample et enveloppant. Les compositions de ce Trances forment ici deux grands ensembles discontinus, deux longues digressions flottant dans les airs et traversées par une voix lointaine comme fondue dans la matière sonore, cette dernière étant doucement parasitée par des éléments electronica du plus bel effet. Trances s'immisce également dans un interstice fragile à la confluence de la dream-pop et de l'ambient, trouvant ainsi dans l'œuvre sublime de Liz Harris (Grouper) une sœur musicale idéale.

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Sparklehorse – Bird Machine (Etats-Unis, Anti-, extrait : Evening Star Supercharger)

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La découverte de cet album inédit de Sparklehorse aka Mark Linkous, sublime songwriter suicidé en 2010 et auteur d'au moins trois chefs d'œuvre d'indie-folk-rock vers la fin des années 90, avait de quoi dérouter. Du moins autant qu'on peut l'être en rencontrant un fantôme, partagé entre l'émotion palpable d'une retrouvaille fantasmée et l'impression déstabilisante de ne plus reconnaître la personne dans sa chair. Cette chair musicale à en effet été recréée par le frère de Mark Linkous à partir des bribes de ce qui aurait dû devenir le dernier album de Sparklehorse via un long processus de mixage et de post-production. En résulte un album hommage "à la manière de" certes émouvant, rempli de bonnes chansons et donnant forcément du baume au cœur mais pour lequel il est parfois difficile de se positionner moralement comme ce fut le cas pour d'autres morts-vivants déterrés cette année par l'IA à leur insu (The Beatles).

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Tirzah – trip9love...??? (Angleterre, Domino, extrait : Today)

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Z'avez pas vu Tirzah ? Je découvre cette autrice-compositrice-interprète londonienne avec ce troisième album tricotant des compositions pop et nu-soul servies par une instrumentation minimaliste assez éloignée de la fadeur des productions actuelles dites "mainstream". Ces textures sonores à fleur de peau et à la limite du cheap donne à ce trip9love...??? tout son caractère et toute sa singularité voire sa précieuse marginalité. Les trois premières chansons, toutes baignant dans le même jus, laissent pourtant craindre une certaine redondance sur la longueur mais ce n'est heureusement pas le cas. L'album continue sa route en préservant sa cohérence, en divagant dans l'obscurité et en nous entraînant dans les lumières stroboscopiques d'une fin de soirée dancefloor qui s'éternise jusqu'à plus soif. On se surprend alors à écouter cet envoûtant trip9love...??? en boucle.

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The Underground Youth – Nostalgia's Glass (Angleterre, Fuzz Club, extrait : Émilie)

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Sortez les blousons en cuir et les lunettes noires, The Underground Youth c'est la classe. On pourrait penser qu'avec un nom pareil, empruntant autant à The Velvet Underground qu'à Sonic Youth, le groupe The Underground Youth viendrait de New York mais que nenni, ce duo est britannique et il ravive plutôt la flamme de madchester avec un bonheur des plus délectables. Je suis pour ma part assez mal placé pour parler de ce groupe puisque je le découvre seulement cette année avec ce qui est déjà leur onzième livraison depuis 2008 mais voilà : Nostalgia's Glass est un album de pop-rock classieux et volcanique comme on n'en fait peu actuellement. Du shoegaze d'outre-tombe Émilie en ouverture à son poignant Epilogue, Nostalgia's Glass veut notamment porter un regard questionnant notre rapport à la nostalgie, son aspect positif, affectif et émotionnel, mais également négatif dans sa romantisation du passé.

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Vox Low – Keep on Falling (France, Born Bad, extrait : Henry Rode)

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L'album Keep on Falling des parisiens Vox Low s'ajoute à la belle liste de disques issus de la scène rock hexagonale nous ayant cette année conquis, remplissant dans son cas la case cold-wave restée longtemps vacante. Un chien errant seul dans un décor de friches industrielles et semblant s'échapper de la séquence onirique du chef d'œuvre Stalker d'Andréï Tarkovski, la pochette de l'album donne tout de suite le ton, à l'auditeur d'entrer à son tour dans "la zone", dans le dark. Après un premier album remarqué en 2018, Vox Low enfonce le clou d'un rock de corbeau à l'instrumentation en infra-basse, au mélodisme froidement robotique et aux rythmiques obsédantes. Du petit lait pour tout amateur du genre.

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Hilary Woods Acts of Lights (Irlande, Sacred Bones, extrait : Where The Bough Has Broken)

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Auparavant bassiste dans le groupe de rock alternatif JJ72 au début des années 2000, Hilary Woods a ensuite complètement changé de sphère sonore en opérant un virage pour le moins surprenant vers une dream-pop vaporeuse (Colt en 2016) puis vers une forme de modern classical. L'irlandaise alimente ainsi depuis dix ans une œuvre d'une densité assez incroyable qui délaisse progressivement le chant et semble s'obscurcir album après album. Son précédent EP Feral Hymns nous avait mis en garde et c'est peu dire que l'on va continuer à mordre la poussière avec ce Acts of Lights sépulcral et radical qui saura toutefois animer vos soirées de rites sataniques. Blague à part, ce nouvel album offre une expérience d'écoute intense et solennelle se hissant facilement parmi les meilleurs albums drone de l'année.

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Xiu Xiu – Ignore Grief (Etats-Unis, Polyvinyl Record Company, extrait : Pahrump)

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La bande à Jamie Stewart avait sorti en 2021 le magnifique OH NO, album collaboratif de dark-pop lyrique et éthérée multipliant les duos vocaux et dans lequel on croisait entre autres Liz Harris de Grouper, Deb Demure de Drab Majesty, Chelsea Wolfe, Sharron Van Etten ou encore Owen Pallett. Les américains reviennent cette année avec un Ignore Grief renouant avec les penchants les plus tourmentés de Xiu Xiu, laissés sagement au placard à monstres depuis l'étouffant Girl With Basket of Fruit de 2019. Ceux qui aiment Xiu Xiu dans toute sa bipolarité n'y verront bien sûr aucun inconvénient, une autre bipolarité étant justement au cœur de ce nouvel album divisé en deux parties distinctes : "experimental industrial" et "experimental modern classical". Soit deux façons d'étudier les pires travers du genre humain dans un fratras sonore ne laissant pas indemne.

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YOCTO – Zepta Supernova (Québec, Requiem Pour Un Twister, extrait : Orbital Alcatraz)

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Les trois précédents artistes de cet abécédaire nous ayant bien fichu dans le bad, il faut maintenant se requinquer un peu et l'album de YOCTO saura pleinement remplir cette mission. Le quintet québécois emprunte son nom à une unité de mesure de l'infinitésimal et écrit une pop énergique pas forcément solaire mais follement efficace et vivace. Court comme un yocto-shot de dopamine – moins d'une demi-heure – ce Zepta Supernova est une œuvre foutraque combinant les riffs ciselés d'un certain post-punk louchant vers Television, Devo ou les Talking Heads à un esprit conceptuel plutôt hérité du rock progressif (le dernier tiers de l'album). Tous les membres du groupe semblent avoir d'autres side-projects ici ou là, on espère donc que ce sympathique premier cru ne soit pas un one-shot car l'étrangeté inventive de leur univers est rempli de belles promesses.

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Zaho de Sagazan – Vienne (France, extrait : Vienne)

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J'avoue avoir un peu triché sur cette lettre Z pour laquelle j'ai longtemps séché. J'allais quand même pas botter en touche et ressortir un bon vieux ZZ Top.. Donc ce sera Zaho de Sagazan, avec un Z dans le prénom puis un autre dans le nom, ça fera l'affaire. Surtout que Zaho de Sagazan est la jeune étoile montante de la chanson française, avec une empreinte vocale légèrement surannée et un univers sonore résolument moderne qui plait même à France Inter et qui recueille déjà de nombreux louanges ici et là depuis la sortie de son premier album La Symphonie des Éclairs. Trouvant ce dernier plutôt inégal, j'ai choisi cette reprise de la chanson bouleversante de Barbara pour clôturer cet abécédaire en beauté. Zaho n'a pas peur de toucher à l'intouchable en reprenant Barbara mais sa voix d'un autre temps et cette adaptation fidèle ne désacralisent finalement en rien l'originale et crée plutôt un pont intergénérationnel gracieux et émouvant entre les âges.

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par Romain
le 02/01/2024

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