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Florilège musicopathe

: #28 : Virée nocturne



Florilège automnal en forme de virée nocturne, de la synth pop nerveuse des californiennes Automatic à la folk lituanienne et planante de Merope en passant par quelques Peel Sessions immanquables (To Rococo Rot, Movietone). Bonne écoute.

Automatic – Excess (Stones Throw)

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Ne pas se fier à la pochette hideuse de cet album puisque celui-ci est l'une des pépites indie-pop de l'année, une œuvre ayant certainement été éclipsé par la petite déferlante du duo britannique Wet Leg. Les trois californiennes d'Automatic développent elles aussi un post-punk mélodique et régressif, "excessif" seulement par le plaisir qu'il procure dans sa course effrenée. Batterie métronomique, ritournelles étourdissantes, lignes de basse simples rentrant dans la tête pour ne plus en sortir, Automatic aime également flirter avec la synth-pop via des synthétiseurs baveux qui rebuteront peut-être les amateurs d'un post-punk plus nerveux et tranchant. Excess rappelle les têtes brulées de notre enfance, ces fameux bonbons sucrés à l'extérieur et acides à l'intérieur, et forcément addictifs.

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Oren Ambarchi – Shebang (Drag City)

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Nous avions laissé Oren Ambarchi au printemps dernier avec un Ghosted qui évoquait parfois The Necks dans l'agencement de certaines compositions. C'est d'autant plus le cas avec ce nouvel album présentant une seule pièce à l'intersection du jazz contemporain et de l'electronica, et dont la progression par paliers successifs peut rappeler certaines œuvres du trio australien susmentionné. Le pianiste de The Necks, Chris Abrahams, a justement été invité à se joindre à cette fête dans laquelle on retrouve quelques fidèles collaborateurs d'Oren Ambarchi tels que le bassiste Johan Berthling, le batteur Joe Talia mais surtout Jim O'Rourke (ici au synthé). Shebang est une composition galopante et ascensionnelle pour laquelle il faut d'abord s'armer de patience, puis s'oublier afin de mieux se faire emporter par la vague jusqu'à un climax sonore et émotionnel assez mémorable.

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Movietone – Peel Sessions (Textile)

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La liste interminable des fameuses Peel Sessions s'est cette année encore allongée avec deux sorties immanquables. La première est celle de Movietone, groupe britannique originaire de Bristol ayant (trop) discrètement traversé la seconde moitié des 90's en livrant quelques œuvres marquantes d'indie rock dans la marge (surtout Day and Night en 1997 et The Blossom Filled Streets en 2000). Du psychédélisme parfois bruitiste (Mono Valley) voire shoegaze (Stone) à une dream pop au chant féminin lointain et susurré (magnifique Summer ci-dessous) en passant par une folk ethérée aux accents lo-fi (The Voice Came Out Of The Box And Dropped Into The Ocean), les trois Peel Sessions présentes sur ce disque permettent ainsi de revisiter l'univers trouble et multi-dimensionnel de ce groupe précieux à la lisière du post-rock n'ayant hélas pas su être reconnu à sa juste valeur.

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To Rococo Rot – John Peel BBC Sessions 97-99 (Bureau B)

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Le second groupe à avoir été invité dans le studio du regretté John Peel à la BBC entre 1997 et 1999 est To Rococo Rot, formation allemande au nom palindrome constituée de trois hommes machines ayant réussi à digérer convenablement deux types de musiques alors balbutiantes et stimulantes à cette époque : le post-rock et l'IDM. En résulte ainsi une musique savamment contrastée à la fois instrumentale et électronique, concrète et abstraite, mélodique et mécanique, chaude et froide... La musique de To Rococo Rot s'engouffrait alors dans les interstices d'un langage inconnu et ouvrait la voie à de futurs aventuriers du son (l'excellent trio autrichien Radian). Replonger dans toutes ces boucles hypnotiques (l'enchaînement This Sandy Piece/Prado) et faussement artificielles issues des premiers albums du trio reste encore aujourd'hui un pur ravissement.

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Katharina Schmidt Particles (Slaapwel)

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La nouvelle sortie du label Slaapwel (dont nous évoquions le concept ici) ravira les amateurs d'ambient minimaliste et explose cette fois-ci les compteurs du temps avec une seule composition avoisinant une heure soit le double de ce à quoi le catalogue nous avait souvent habitué. La compositrice berlinoise Katharina Schmidt que nous découvrons avec ce disque nous immerge dans une longue échappée nocturne réduite à quelques notes de guitare en suspension. Cette dernière est ensevelie sous des silences étendus mais reste maintenue éveillée par de subtils effets de résonnance, de duplication et d'isolation. Particles avance ainsi en équilibre sur une corde fragile entre l'être et le néant, entre le "toujours pareil" et le "toujours différent" aussi, et offre un dédale pouvant rappeler le bel album Music for Guitar & Patience de Le Berger sorti en 2015 sur Home Normal.

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VOICE ACTOR – Sent from my Telephone (Stroom)

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Autre dédale onirique explosant dans son cas très largement les compteurs puisque l'ensemble de ses 109 morceaux (sic) dure près de 4h30 (sic!), l'album Sent from my Telephone du duo belge confidentiel VOICE ACTOR nous invite quant à lui à nous perdre dans les méandres sonores d'un labyrinthe rappelant la dream pop de Jenny Hval mais aussi les spoken words ambient de Félicia Atkinsons ou encore les expérimentations cinématographiques de Broadcast (l'excellent Investigate Witch Cults Of The Radio Age avec The Focus Group). Nous mentirions si nous disions que rien n'est à jeter dans ce magnum opus mais l'expérience intime qu'offre ce tunnel infini de l'étrange, simplement éclairé par la voix ensorceleuse de Noa Kurzweil et parfois agrémenté de beats hip-hop, reste unique en son genre (si toutefois ce genre existe réellement).

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Merope – ​ Naktės (Granvat)

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Naktės signifie "Nuits" en Lituanie, pays duquel est originaire ce trio sachant admirablement concilier la folk traditionnelle de sa terre natale et des sonorités plus modernes allant de l'ambient à l'electronica. En emmenant cette instrumentation (notamment le kankles, une harpe lituanienne) et cette langue toutes les deux étrangères à nos oreilles vers des contrées plus insaisissables, Merope touche à une forme d'universalité qui échappe à toute définition et confine au sublime. Ainsi Naktės (2018), œuvre d'enivrement (Sniegas), d'épure (Arklys) et de lévitation (Mirra), est remplie de fulgurances autour desquelles gravite la voix parfaite de sa chanteuse Indrė Jurgelevičiūtė. Son successeur, Salos (2021), un album accompagné notamment d'une chorale lituanienne traditionnelle, est une œuvre d'une beauté tout aussi remarquable et à découvrir absolument.



par Romain
le 13/11/2022

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