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Florilège musicopathe

: #5 Be Kind, Rewind



La rédaction s'est pliée en quatre pour vous concocter un dernier florilège musicopathe de l'année 2014

The Darcys - Hymn For A Missing Girl (Arts & Crafts)


Sorti de nulle part et en tirage limité à l'occasion du Record Store Day, ce morceau instrumental de 20 minutes laisse pantois dès sa première écoute : folk expérimental, techno, post-rock, les membres de The Darcys ne s'épargnent rien et concoctent un chef d'oeuvre aussi envoûtant qu'inattendu. Les chœurs embrumés font place à une éléctro noire comme la nuit texane, puis se mue peu à peu en rock fiévreux et grésillant qui s'éparpille lentement dans le désert. Inspiré par un passage de Des villes dans la plaine de Cormac McCarthy, le groupe déploie cette même americana mélancolique aux accents épiques cher à l'écrivain. On en sort épuisé, enivré, et on se dit que la relève de Godspeed You! Black Emperor est largement assurée.




Erik K. Skodvin - Flame (Sonic Pieces)


Un an après l’album Black Tie sorti sous son pseudonyme Svarte Greiner, le norvégien Erik K. Skodvin revenait nous proposer un nouveau voyage intimiste à l’intérieur du son. Un voyage conçu comme le deuxième épisode d’un diptyque entamé avec Flare en 2010.
Si entre les deux albums seule une lettre a changé, Flame traverse pourtant les mêmes eaux troubles que son prédécesseur. Composé lui aussi de fragments harmonieux sans début ni fin, il se développe également à partir d’une base instrumentale classique: piano, guitare électrique, violoncelle et percussions.
L’album apparaît ainsi comme une collection de compositions en suspension et aux belles ambiances nocturnes. Leur pouvoir d’attraction et de fascination suscite parfois l'envie de s’imaginer le film potentiel qu'elles auraient pu accompagner.



Roll The Dice - Until Silence (The Leaf Label)


Le duo suédois, adepte d'un doom-synth lent et hypnotique, emprunte un orchestre le temps d'un album cinématique et brutal aux relents kubrickiens. Le piano, toujours central, égraine ici des mélodies mécaniques, écrin de choix pour les percussions électriques et tribales qui entraînent les morceaux dans une transe noire, quelque part entre Ben Frost, Swans et Max Richter. L'ambiance est froide, dramatique ; c'est une écoute radicale, qui n'amadoue jamais son auditoire, mais dont la structure massive et les infimes subtilités, tel un glacier, captent l'attention pour ne jamais la relâcher.





Function & Vatican Shadow - Games Have Rules (Hospital Productions)


Les fers de lance de l'indu-noise poisseuse posent les perceuses et les plaques de tôle pour nous offrir un album lumineux, où les synthés élégiaques côtoient de douces boites à rythme, le long d'une heure d'errance nocturne à l'orée du virtuel. On est ici plus proche de la dub cotonneuse de chez Home Normal que de l'electro cradingue d'Hospital Productions, et ça fait du bien : comme il l'avait prouvé avec ses embardés synth-pop sous Prurient, Dominick Fernow brille lorsqu'il sort du sentier noise, et cet album n'en est qu'une preuve supplémentaire.







Robert Curgenven - SIRENE (Recorded Fields)

SIRENE de Robert Curgenven conjugue drones oécaniques et sonorités quasi-religieuses. Les orgues que l'on y entend ont été enregistrés par l'artiste australien dans des églises des Cornouailles où jadis vivaient ses ancêtres.
Sur SIRENE, l'océan apparaît sous son aspect le plus immatériel - comme un élément d'une géopsychologie personnelle autant qu'universelle à l'intérieur de laquelle le souffle des orgues figure des strates ou des plateaux se traversant les uns les autres, des profondeurs du son jusqu'à sa surface.
Ce jeu sur les couches sonores fonctionne évidemment comme une représentation de l'océan voir de la psyché. Les mythes conviés par Curgenven (les sirènes d'Homère, le monstre Caliban et les peintures de William Turner) sont ainsi autant de courants qui ne cessent pas de se superposer les uns aux autres. Et ce jusqu'à recouvrir l'histoire personnelle de l'artiste: celles de ses ancêtres, pionniers australiens débarqués de leur Ecosse natale au XIXe siècle.
Alors, entre les mythes de la culture et ceux de la généalogie perce un étrange chant (celui des sirènes ou des déferlentes se fracassant sur les éceuils) qui, en provenance des profondeurs de la mer, charrie des rumeurs insoupsonnées et menaçantes. Comme un ressac en écho aux mouvements de l'indicible.

Wild Beasts - Present Tense (Domino)

Il faudrait user de l’oxymore à l’excès pour pouvoir décrire au mieux la musique des anglais Wild Beasts. Present Tense mélange en effet les contraires pour mieux les réconcilier: il est à la fois grave et léger (à l’image des voix aux tonalités très différentes d’Hayden Thorpe et de Tom Fleming), pop et lyrique, dense et minimaliste, singulier et universel, purement synthétique et terriblement humain.
Jeff Buckley sortait il y a 20 ans Grace, un album rock qui donnait le frisson car il n’avait pas peur de tutoyer les anges au détour de chansons proches de la musique sacrée. C'est peu dire que l’on retrouve quelques bribes de cette grâce au coeur de ce disque. L’ampleur de morceaux comme Daughters ou New Life est là pour en témoigner.
Present Tense était assurément l'un des grands albums pop de l’année, de ceux que l’on écoute en boucle et qui nous accompagnent longtemps.


Totorro - Home Alone (Autoproduit)

Depuis la fin des années 90 et de quelques groupes éclatants - on pense à Don Caballero ou au duo bordelais Cheval de frise - le math-rock apparaît comme un genre en retrait. Cependant quelques groupes irréductibles continuent de perpétrer la tradition.
Force est d'ailleurs de constater la place prépondérantes que prennent les formations hexagonales dans ce renouveau. Tormenta (La ligne âpre), Choochooshoeshoot (Playland), Pneu, Papier Tigre...Les groupes friands de gymnastiques et contorsions rythmiques ne manquent pas et c'est cette année au trio Totorro de faire sa rentrée dans la cours des grands.
A une lettre près le nom du groupe évoque forcément le gros nounours bienveillant de Miyazaki, et en effet les compositions du groupe vont dans ce sens. Assez éloignée des tours de force à la violence cataclismique que réserve souvent le math-rock, la musique de Totorro se fait plus ouvertement mélodique sans pourtant être dénuée de quelques sursauts au souffle fort et autres envolées électriques.
En quelque sorte, Home Alone pourrait être le cousin plus musclé de l'album Audiorama du collectif Mermonte, l'autre petite merveille instrumentale française de l'année.

Jo Johnson - Weaving (Further Records)


Jo Johnson
est issue du mouvement riot grrrl, ce qui a tôt fait de la mettre dans une case. Pourtant, son premier album solo l'emmène là où personne ne l'attendait : sur les traces des Vangelis, Eno et autres Riley. Un album d'ambient synthétique donc, tout en douceur, d'une maturité et d'une élégance rare, qui se permet en plus, tout en respectant à la lettre ses codes, d'insuffler une bouffée d'air frais dans ce genre rebattu. Les mouvements s’enchaînent avec fluidité, à la fois complexes et limpides, sans jamais tomber dans la facilité new age ; une artiste à suivre donc, capable d'effectuer un grand écart implacable et de retomber sur ses pieds avec classe.





The Drink - Company (Melodic Records)


Reprenant le flambeau laissé par Electrelane et Life Without Buildings, les membres de The Drink servent pour leur premier album une math-pop déjantée et fleurie, portée par la voix solaire de Dearbhla Minogue. Autour d'un simple combo guitare-basse-batterie, le trio renouvelle le genre en piochant aussi bien dans la folk hantée des 70's que le punk des 90's, avec une joie contagieuse, pour un mélange surprenant. Des compositions à la fois complexes et légères, qu'on tente de fredonner sans jamais y parvenir, et un album vers lequel on revient sans cesse, en attendant les beaux jours.







Crédits:
Matthias Fuchs (The Darcys / Roll The Dice / Function + Vatican Shadow / Jo Johnson / The Drink)
Romain (Erik K. Skodvin / Wild Beasts / Totorro)
Mickael B. (Robert Curgenven)



par Mickael B.| Romain| Matthias Fuchs
le 04/01/2015

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