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Dossier

: Hurtmold - Sabo




On partira d'une affirmation : Hurtmold est le meilleur groupe depuis Tortoise. Qu'on corrigera en jugement esthétique parce que c'est bien de cela qu'il s'agit et qu'on essaiera de préciser de la manière suivante :




Hurtmold est un groupe post-tortoisien. On entend par là un groupe qui œuvre dans un espace musical qui est celui ouvert par Tortoise. Cela ne signifie pas que la musique de Hurtmold soit réductible à la musique de Tortoise — pas plus que, disons, le système de Fichte, pourtant post-kantien, n'est réductible à celui de Kant —, mais la musique des premiers est conditionnée par la musique des seconds. Synthèse de sources sonores (acoustique, électrique, électronique), synthèse ou plutôt : confluence des genres (jazz, rock, musiques électroniques), ces musiques se situent dans une continuité historique qu'on ne peut négliger, à moins de passer à côté, sinon de l'essentiel — est-ce que ça existe vraiment, l'essentiel ? — mais du moins d'une filiation qui, qu'elle soit assumée ou non en tant que telle, est manifeste, audible, difficile à balayer d'un revers de la main.





Donc : Hurtmold, meilleur groupe depuis Tortoise. Mais comment ? Disons que ça s'entend dans ce contexte. Et, plus précisément, ça s'entend ici :









(Hurtmold : Sabo - Hurtmold, 2007)




Un groove basse / batterie (un bémol, cependant : ce groove va chercher plus loin, dans l'introduction sans doute de l'interprétation du standard Greensleeves sur l'album The complete Africa / Brass Session de John Coltrane) sur lequel se greffent aussi bien une ligne de guitare que des pertubations électroniques. Vibraphone et clarinette pour augmenter le tout. Manière aussi de jouer sur la continuité dans ou par-delà les ruptures, de faire varier les atmosphères sans jamais perdre le cap de vue, manière de ne jamais changer d'idée, mais d'en montrer toujours des faces différentes.





Et puis ceci aussi — parce qu'on a dit que l'un n'était pas réductible à l'autre — : un Hurtmold qui ne renie pas son régionalisme, qui ne renie pas son Brésil d'origine, mais qui s'en sert, colorie ses images avec, en met partout, mais jamais trop, toujours en touches raffinées quitte à raturer, gribouiller dessus sans nuances dans des couleurs occidentales (le versant noise qui effacerait presque la belle perspective esquissée dans un premier temps). Et puis aussi ceci : la manière de se servir des mains qui claquent. On a déjà entendu ça chez Tortoise (ce n'est pas unique, tu me diras, mais écoute un peu). Ici, au contraire, ce n'est pas pour finir quelque chose qui n'en finirait pas autrement. Non. Ici, c'est pour accentuer, contraster, redonner de l'élan. Ici, ce n'est pas pour rappeler le rythme, c'est pour marquer le tempo, faire entendre distinctement ce qu'il a d'instinctif, de primitif — n'ayons pas peur du mot — je veux dire : ce en quoi il est au plus près du corps du musicien, qui se réduit volontairement à n'avoir que ça pour faire entendre ce qu'il a à faire entendre. C'est en cela peut-être que Hurtmold se détache bien de Tortoise, dans sa manière de sonner spontané — même si on se doute qu'en studio, ils y ont sans doute passé des heures —, dans sa manière de rendre ainsi accessible leur musique. Ce qui n'est pas un défaut, au contraire, une qualité. J'entends pas là : cette capacité à, sans masquer le caractère exigeant d'une telle musique, attaquer le sujet de front et, s'il y a des circonvolutions, celles-ci sont nécessaires. Je ne sais pas. Comment dire ? Comme si eux s'efforçaient toujours de faire concret là où les autres aussi innovants et excellents soient-ils ont toujours eu un côté abstrait.




C'est ce que montre aussi le clip, pour finir, au plus près des musiciens, les montrant moins sous la forme de fragments que sous la forme de leurs membres distingués les uns des autres : les membres de leurs corps, les membres de leurs instruments, la manière dont ils s'accrochent à eux, s'y cramponnent, font corps avec eux. Des visages, des mains, etc. On voit ainsi que la musique n'est pas seulement l'art d'un sens, mais de tous, un art du corps en action.









(Merci à Guillaume Colin.)

par Jérôme Orsoni
le 11/04/2008

Tags : Dossier

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